SOUND CULTURES

The Show must go on: Redonner vie à la musique live

Believe.com - Show must go on: Bringing live music back to life
Photo de couverture par : ActionVance
Écrit par : Rémi Bouton
Publié 15 juin 2021
6 min de lecture

Avec une industrie du spectacle à l'arrêt depuis 15 mois, des artistes en incapacité de jouer sur scène, des salles et festivals difficilement opérationnels et un public avec nul autre choix que de regarder des concerts sur un écran dans le confort de leur propre maison, ne serait-il pas temps de passer à autre chose ? Alors que la pandémie semble lentement s'apaiser, le public, les artistes et l'industrie partagent de plus en plus ce sentiment. 

Le premier signe positif a été donné en mai dernier par Vax Live  : « The Concert to Reunite the World ». Organisé en mai dernier au SoFi Stadium de Los Angeles, ce concert animé par Selena Gomez et diffusé dans le monde entier sur de nombreuses chaînes TV et plateformes Internet, présentait les performances musicales de Jennifer Lopez, Eddie Vedder, The Foo Fighters, J Balvin, H.E.R., ainsi que des discours de personnalités politiques telles que le Pape François, Joe Biden, Kamala Harris et Emmanuel Macron.  

Plus important encore, ce concert caritatif a été le premier événement musical live à grande échelle respectant les règles d'hygiène Covid (la foule était composée de travailleurs de première ligne entièrement vaccinés). 

Un concert organisé pour contribuer à la lutte contre Covid-19 alors que les spectacles ont été interdits à cause de ce même virus semble être une situation ironique. Et si l'on pousse les choses encore plus loin, ce paradoxe a clairement marqué le début d'une nouvelle ère pour la musique live dans le monde, après 15 mois de confinement, de couvre-feux et autres mesures de distanciation sociale.

 Le retour aux performances live signifie que les artistes et les techniciens peuvent retourner travailler et s'atteler à leurs missions, que les lieux peuvent être rouverts, que les tourneurs peuvent reprendre la route

Olivier Darbois, Président du Prodiss

À la recherche de la formule parfaite pour un concert sans Covid 

Alors que la pandémie ralentissait en Europe, plusieurs tests ont été menés pour relancer la machine. Le 27 mars, des chercheurs en médecine de Catalogne ont mené une expérience en permettant à 5 000 personnes d'assister à un concert de rock au Palau Sant Jordi à Barcelone. Un mois plus tard, les résultats ont été révélés : aucun cas avéré de transmission de la Covid-19 n'a été enregistré parmi les participants. Cette expérience marque le point de départ d'un chemin menant vers un retour en toute sécurité à la normalité, à la vie sociale et à l'organisation d'événements à grande échelle. 

Un mois plus tard en France, le concert Ambition Live Again prenait place à l'Accor Arena de Paris. Plus qu'un simple concert, cet événement a permis aux équipes de recherche de l'établissement hospitalier français AP-HP de mener une étude scientifique en comparant le risque de contamination entre 2 groupes de personnes « aléatoires » : un groupe « expérimental » de 5 000 personnes assistant au concert d'Indochine et un groupe « de contrôle » de 2 500 personnes non-présentes. 

L'objectif principal de cette recherche était de montrer qu'un test négatif pour le SARS-CoV-2 effectué avant le concert peut limiter considérablement le risque de transmissions infectieuses. « Ce projet est porteur d'espoir pour un secteur qui en a vraiment besoin et qui est à l'arrêt depuis 15 mois », déclare Olivier Darbois, président de l'association française de musique live Prodiss

« Le retour aux performances live signifie que les artistes et les techniciens peuvent retourner travailler et s'atteler à leurs missions, que les lieux peuvent être rouverts, que les tourneurs peuvent reprendre la route, que les producteurs peuvent lancer de nouveaux projets créatifs, que les festivals peuvent rouvrir leurs portes et que toute une chaîne de prestataires de services redémarrera leur activité », ajoute-t-il. 

Quoi qu'il en soit, la relance des concerts et des festivals nécessite encore un temps de préparation et de démarrage incompressible, pouvant aller de 3 mois à 2 ans pour les très grandes tournées internationales.

L'industrie musicale propose des solutions « à trouver soi-même » 

En France, les premiers grands événements reprennent leur activité, à commencer par l'emblématique Printemps de Bourges. « Nous organisons une édition spéciale un peu plus tard, après le printemps, mais qui représente toutefois le symbole d'un nouveau départ pour tous les artistes, toute l'industrie et pour l'ensemble du public », déclare Boris Vedel, le directeur général de cet événement historique qui inaugure traditionnellement la saison des festivals en avril. 

Il reconnaît qu'il est difficile de rassembler les gens lorsque les couvre-feux et mesures de distanciation sociale sont toujours en vigueur et limitent l'auditoire dans son quotidien. « Il n'est pas facile de diriger un festival dans ces conditions, mais nous voulons ouvrir la voie pour atteindre enfin le bout du tunnel et nous en sommes heureux », nous indique Boris Vedel, ajoutant : « Les gens veulent retourner en concert et en festival, c'est une excellente nouvelle ». Il avait totalement raison : tous les billets du festival ont été vendus en seulement 5 minute.

Pour Live Affair, l’entité du groupe Believe dédiée à l’organisation d’événements live en France, ces 15 mois d'interruption des concerts n'ont pas empêché les équipes et les artistes de travailler. « Nous n'avons jamais cessé de nous préparer au retour à la normalité, en suivant l'évolution de l'épidémie et des annonces gouvernementales, et c'est clairement le moment d'être prêts », déclare Stéphane Wehrlé, directeur général de Live Affair. 

Il nous donne alors l'exemple de l'emblématique Yseult, récemment couronnée Révélation féminine de l'année lors des Victoires de la Musique. « Nous avons dû annuler la tournée prévue l'année dernière mais avons décidé, au lieu de la reporter à nouveau, d'organiser une formule plus minimaliste (piano-voix) adaptée aux petites salles de 200 à 300 personnes. L'artiste a aimé cette formule et nous recevons aujourd'hui une forte demande qui débutera en juin avec près de 70 dates pour se terminer en février 2022 ». 

Yseult donnera en parallèle des concerts en “formation complète” lors de festivals, tels que Les Vieilles Charrues et à la Salle Pleyel de Paris fin 2021. « Cela complique un peu les choses avec des doubles répétitions et une logistique deux fois plus importante, mais c'est à nous de nous adapter à cette situation et de faire preuve de flexibilité », explique Stéphane Wehrlé. 

Même si les activités live reprennent progressivement, l'industrie devra faire face à un obstacle majeur dans les mois à venir. « Évidemment, tous les artistes confirmés se retrouvent sur la route et cela crée des embouteillages. Tous les lieux parisiens sont réservés jusqu'à fin 2022 ainsi que les grandes salles en France comme les Zénith. C'est très difficile pour les artistes émergents dont la première tournée était un moyen de garantir l'exposition », déclare Stéphane Wehrlé. « Les artistes émergents qui ont sorti un album en 2020 ou au début de l'année 2021 sont probablement ceux qui souffriront le plus car ils ne pourront pas monter sur scène. Ils devront céder la place à ceux qui arriveront avec de nouveaux projets après l'été », ajoute-t-il.

Les artistes émergents qui ont sorti un album en 2020 ou au début de l'année 2021 sont probablement ceux qui souffriront le plus car ils ne pourront pas monter sur scène. Ils devront céder la place à ceux qui arriveront avec de nouveaux projets après l'été

Stéphane Wehlé, General Manager, Live Affair

Le livestream apporte une valeur ajoutée aux concerts live 

Le livestream est maintenant devenu un élément incontournable. « Nous aurons bien sûr un livestream organisé pour le concert de Jul au Vélodrome de Marseille le 4 juin 2022 », ajoute-t-il. « Nous essayons toujours d'affiner les solutions de livestream. Qu'elles soient gratuites, sponsorisées ou payantes, c'est avec certitude que nous pouvons affirmer que la Covid a placé le livestream au premier rang : il est désormais inévitable ». 

Cette crise de la Covid a également contraint les professionnels du divertissement à repenser leur activité. « Nous avons appris à répartir les risques. Nous ne payons pas de grosses avances sans être sûrs des dates, nous contrôlons nos investissements marketing en amont et nous prenons des garanties sur de nouveaux droits tels que le livestream », explique Stéphane Wehrlé. 

Après une pandémie qui a bloqué les choses depuis plus d'un an, les professionnels semblent redevenir confiants. Optimiste quant à l'avenir, le PDG de Live Nation, Michael Rapino, a confirmé avoir de l'espoir pour 2022. Il a en effet mentionné dans une lettre envoyée à ses actionnaires que les festivals américains tels que Bonnaroo, Electric Daisy et Rolling Loud avaient tous été sold out, à pleine capacité, en un temps record.

Cela ne fait aucun doute : la musique live est de retour.