Face To Face avec le violoncelliste Christian-Pierre La Marca

En 2020, le journal français Le Monde présentait Christian-Pierre La Marca comme membre de « l’élite du violoncelle français ». Ce n'est sans doute pas exagéré, mais limiter Christian-Pierre La Marca à la France est peut-être un peu réducteur, car son talent et son charisme l'ont amené à se produire dans le monde entier.

Formé à Aix-En-Provence, Paris, Londres et Cologne, Christian-Pierre s'est produit sur les plus grandes scènes internationales - Philarmonie de Paris, Konzerthaus de Vienne, La Fenice de Venise... - et s'est produit en tant que soliste avec les orchestres les plus prestigieux, dont le Philarmonia Orchestra, le London Chamber Orchestra et l'Orchestre National de France. Violoncelliste baroque expérimenté, Christian-Pierre se produit aussi fréquemment sur instruments d'époque au sein d'ensembles baroques et se produit souvent en tant que musicien au sein d'orchestres de chambre.

Sa discographie reflète sa curiosité insatiable et son désir d'ouvrir de nouveaux horizons à son public. Ce musicien polyvalent a exploré le répertoire de Mendelssohn, Ravel et Schubert, les suites pour violoncelle de Bach, et a partagé son amour des compositeurs français et de la musique sacrée. Et après avoir publié trois disques chez Naïve, il s'apprête à publier un nouvel album consacré à Clara et Robert Schumann.

À l'occasion du concert du 25e anniversaire de Naïve, Christian-Pierre s'est entretenu avec Pierre-Antoine Devic, responsable du département classique et jazz de Naïve, pour évoquer sa carrière, ses projets et la manière dont la technologie numérique et le streaming ont également apporté des changements majeurs dans le monde de la musique classique.

Pierre-Antoine Devic : Avant de rejoindre Naïve, vous avez sorti 8 albums sur d'autres labels. Avec Naïve, nous avons sorti 3 albums : Cello 360 - pour lequel nous avons remporté les Gramophone Awards il y a deux ans - Wonderful World et Legacy. Comment définiriez-vous la différence de collaboration entre vos anciens labels et celle avec Naïve et Believe ?

Christian-Pierre La Marca: Je dirais que c'est une approche totalement différente. Ce que j'aime dans Naïve, c'est le fait d'être totalement libre dans la discussion.

Quand je viens vous voir, que je parle avec vous et avec toute l'équipe, il y a cette façon d'écouter les artistes, qui est très, très différente de ce que j'avais avant, qui était un peu plus " standard ", je dirais.

Et simplement en termes de répertoire, nous pouvons aller dans ce qui est le plus sincère et le plus proche de moi. Je pense que cela fait une différence au final, car je pense que les gens le ressentent.

C'est particulièrement le cas avec ce projet solo, par exemple. Même chose pour ce projet sur la nature et l'environnement. Tout était si créatif ! J'ai toute ma créativité avec Naïve et je pense que cela fait vraiment la différence avec les majors avec lesquelles j'ai travaillé auparavant, parce que je peux être totalement moi-même et cela n'a pas de prix.

Pierre-Antoine Devic: Nous allons maintenant parler des activités numériques, qui sont une spécialité de Naïve et de Believe. La musique classique commence tout juste à intégrer massivement les outils numériques pour développer ses publics et ses projets, en ce qui vous concerne, comment gérez-vous vos activités numériques et comment Nave vous aide ou fait pour vous et vos projets.

Christian-Pierre La Marca:  Les plateformes de streaming et les médias sociaux se combinent bien sûr, et jouent tous deux un rôle très important pour tout artiste, quel que soit le type de musique. La musique classique n'est donc pas si différente dans ce domaine. Je dirais que la musique classique évolue dans la même direction que les autres genres musicaux. Il est extrêmement important pour nous d'être présents sur les plateformes de streaming, tout d'abord parce que si nous voulons être visibles, nous devons nous adresser à de nombreux pays dans le monde.

Et quoi de mieux que ces plateformes pour être vu et écouté. En ce sens, je pense que Believe et Naïve sont la meilleure équipe pour moi, car nous travaillons ensemble dans la même direction. Nous essayons de faire bouger les choses, de communiquer et d'être aussi visibles que possible en termes de playlists, de contenu spécial. Comme par exemple ce que nous avons fait pour Apple Music : nous avons créé un titre de Noël pour Apple Music en 2022. Et cela a été un grand succès. Tout ce que nous essayons de créer va désormais dans cette direction.

Sans oublier que nous devons également être présent en format physique, car cela reste très important. Encore une fois, pour être proche des gens. Et c'est essentiellement ce que les artistes essaient de faire dans n'importe quel type de musique, mais surtout nous, dans le monde classique. Je pense que nous essayons d'établir un lien avec les gens, d'abord par la musique, ensuite par le message que nous transmettons. En ce sens, les nouveaux médias et les médias sociaux sont très importants.

De plus, les médias sociaux permettent de connaître les réactions des gens. Lorsque vous sortez quelque chose, comme un nouvel album, vous obtenez immédiatement une réponse massive. Vous pouvez donc ajuster votre travail, ce qui est notre objectif et ce que nous recherchons en permanence.  Cela ne veut pas dire que cela affectera notre façon de jouer, mais cela signifie que nous construirons nos programmes, nos concerts, d'une manière différente, peut-être dans un ordre différent, etc.

Je pense que c'est exceptionnel, la façon dont nous pouvons nous connecter avec les gens. C'est la chose la plus importante dans le domaine de la musique classique.

Pierre-Antoine Devic:  Les plateformes de streaming occupent une place de plus en plus importante. On en distingue deux catégories : les plateformes spécialisées comme Apple Music Classical, qui a été lancée en 2023, ou Presto Classical, et les plateformes grand public comme Amazon ou Spotify, où l'on constate une augmentation de l'audience de la musique classique. Quelle est votre perception de ces plateformes et de l'audience qui s'y développe ?

Christian-Pierre La Marca: Ma vision est très simple... Vous savez, c'est formidable pour nous d'avoir ces plateformes spécialisées, qui considèrent notre art de manière un peu plus approfondie. Cela signifie que nous pouvons aller un peu plus loin dans les détails concernant les titres des morceaux, les pièces que nous jouons, les compositeurs... De cette façon, vous avez beaucoup plus de détails, vous pouvez avoir beaucoup plus de contenu sur n'importe quel morceau que vous écoutez.

Je pense que le fait de ne pas pouvoir avoir beaucoup de détails concernant un disque, une chanson, est ce qui manque à certaines personnes dans l'environnement du streaming. C'est comme si c'était moins personnel. Bien sûr, on peut ressentir un morceau et l'écouter, mais on ne l'a pas dans la main, on ne sait pas à qui on parle... Je ne sais pas, on a l'impression que c'est moins précis.

Je pense que les plateformes spécialisées font un travail extraordinaire pour être plus précises et pour comprendre votre projet et votre travail en tant qu'artiste. Vous pouvez décrire votre projet en détail, l'approfondir, ajouter une sorte de livret, et tout le monde peut avoir accès à tout cela.

Et ils font aussi beaucoup pour la qualité du son ! Nous oublions souvent de parler de la qualité de l'enregistrement. Vous savez, nous parlons beaucoup de la qualité de l'image, de la qualité de la télévision. On parle de 4K, 6K, 8K. Mais la qualité du son est de moins en moins bonne. Et je pense que pour ressentir la musique classique, pour ressentir n'importe quel type de musique, nous avons besoin de cette énergie, de cette incroyable qualité HD. Et je pense que ces plateformes vont dans ce sens.

En ce qui concerne les services plus génériques comme Spotify, Amazon ou Deezer, ils rassemblent toutes sortes de musique, ce qui vous donne la possibilité d'être écouté d'une manière différente par des publics distincts. Et c'est une histoire totalement à part pour nous, car nous sommes également écoutés dans un contexte différent. Je pense que ces services ne jouent pas le même rôle, mais ils convergent tous vers notre monde d'une manière ou d'une autre.

Je dirais que c'est une bonne chose si nous conservons la qualité, si nous travaillons tous ensemble pour développer la qualité du son, la qualité du contenu. Avec Believe et Naïve, je pense que nous y tenons vraiment. Nous investissons beaucoup dans cette direction et cela me rend très heureux, car je pense que cela doit être connecté. Tout doit être connecté.

Pierre-Antoine Devic: Comme chacun sait, les activités de concert sont très importantes dans le domaine de la musique classique. Vous l'avez dit, vous jouez régulièrement dans de nombreux pays du monde. Comment voyez-vous l'intégration des outils et des activités numériques dans le monde de la musique classique ?

Christian-Pierre La Marca:  Je dirais que c'est beaucoup plus visible depuis la période COVID. Il est vrai que tout s'était arrêté, et je pense que nous avons tous ressenti le changement à partir de ce moment-là. Mais il y avait déjà beaucoup de moyens numériques dans le domaine de la musique classique, avec Medici.tv par exemple.

Il y a toujours eu une caméra quelque part lorsque vous jouiez, mais maintenant il y en a encore plus. C'est une bonne chose, car d'une manière ou d'une autre, les gens veulent vous voir. Il y a toujours cette relation avec le public que nous devons entretenir.

En ce sens, le live est extraordinaire parce que c'est un processus différent, mais je pense que la vérité d'un artiste réside dans la manière dont il échange avec son public. Et j'y crois vraiment. On ne peut pas mentir quand on joue ou quand on se produit. Il faut être soi-même.

Quoi qu'il en soit, le numérique s'est beaucoup développé et je pense que c'est pour le mieux. Tous ces outils sont très importants pour nous, car au final, cela permet de créer un lien avec notre public et de s'en rapprocher.

Pierre-Antoine Devic:  Avant de conclure, pouvons-nous dire quelques mots sur vos projets à venir, vos enregistrements et vos tournées ?

Christian-Pierre La Marca: Bien sûr ! Je travaille actuellement sur ce qui est probablement la plus belle histoire d'amour de tous les temps en musique classique, à savoir l'amour et les lettres de Clara et Robert Schumann.

L'histoire est extraordinaire. Je suis tombé sous le charme lorsque j'ai découvert la beauté de leur correspondance, les lettres qu'ils ont échangées pendant de nombreuses années. J'ai vu à quel point ils étaient proches de tous les compositeurs de l'époque, comme Felix et Fanny Mendelssohn, Liszt, Chopin... Tous ces compositeurs dînaient ensemble, échangeaient ensemble, et dans leur correspondance, on peut les retrouver. Je trouve cela fascinant.

J'ai choisi des compositrices et des compositeurs, afin qu'ils se correspondent dans la musique. C'est un projet énorme sur lequel je vais travailler en 2024. Les Last Love Letters sont le concerto, et le concerto figurera sur le CD comme les Last Love Letters.

Je l'ai enregistré avec le Philarmonia Orchestra à Londres, ce qui est extraordinaire et représente une grande réussite. Je suis donc très fier de le présenter bientôt. C'est une grande aventure pour moi et j'espère que les gens suivront.

Je serai également en tournée en 2024. En France, la première aura lieu au Théâtre du Chatelet. Il y aura également une représentation à Londres. Et je serai en tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande pendant trois semaines cet été.  En ce moment, je suis à fond dans ce projet et cela me rend très heureux.

Pierre-Antoine Devic: Nous sommes très heureux pour vous aussi Christian-Pierre, merci beaucoup de nous avoir rejoints !

Le nouveau single de Christian-Pierre La Marca 'No Time To Die' est disponible sur de nombreuses plateformes !
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