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Women In MusicTech #6 - Jacquelle Amankonah Horton

Antony Delanoix / Unsplash
Photo de couverture par : Antony Delanoix / Unsplash
Écrit par : Rhian Jones
Publié 10 nov 2021

Fondatrice et PDG de la plateforme sociale Fave, Jacquelle Amankonah Horton a deux passions : donner du pouvoir aux superfans et aider les sociétés de musique et les artistes à exploiter tout leur potentiel.

Jacquelle Amankonah Horton

Elle a fondé Fave en 2020, année où elle a remporté le titre de Startup of the Year à la conférence Music Tectonics. Jusqu'à présent, la société a levé plus de 2 millions de $ de fonds et a travaillé avec la base de fans Swifties de Taylor Swift, ainsi qu'avec la BTS Army. Avant de créer Fave, Jacquelle Amankonah Horton a travaillé chez Google pendant sept ans, dont cinq ans chez YouTube pour diriger le développement de produit pour ses créateurs et artistes. Elle a également travaillé chez Viacom, UMG, BET Networks et pour différentes startups de labels de musique.

Comment vous êtes-vous orientée vers la musique et la technologie ?

 

Quand j'étais petite, je voulais travailler dans le divertissement. Il semblait à l'époque que le seul emploi possible dans ce domaine était celui d'actrice, car c'était ce que je voyais à la télévision. Quand j'étais adolescente, je voulais être réalisatrice de clips, puis productrice. À la fac, ma matière principale était l'industrie du divertissement et ma matière secondaire, l'industrie musicale. Mon premier emploi dans la musique a été un stage chez Universal Music Group. J'ai ensuite travaillé pour un serial entrepreneur qui créait plusieurs startups, et plus tard, pour les chaînes BET, où je travaillais sur les applications musicales liées à notre émission télévisée de vidéo musicales CountDown, et sur d'autres formats grâce auxquels nous permettions aux artistes d'entrer en contact avec des fans. C'est là que je me suis intéressé à la technologie et à la façon dont elle a fusionné et renforcé l'industrie de la musique, ainsi qu'à la façon dont les fans peuvent se connecter avec elle. La technologie était fascinante pour moi, parce qu'on peut la faire évoluer et toucher des millions de personnes avec un seul produit, dans lequel on continue d'investir et qu'on fait évoluer en permanence.

Quels sont les plus grands défis auxquels vous ayez fait face au cours de votre carrière jusqu'à présent et comment les avez-vous relevés ?

L'un des grands défis, c'est que je sens et vois toujours que je dois prouver ma valeur plus que les autres. Je suis toujours automatiquement jugée sur le fait que je suis jeune, que je suis une femme et en raison de ma couleur de peau. Mon premier objectif, quand j'entre dans une pièce, est de prouver que ces préjugés sont faux. Je sais de quoi je parle, je connais ce domaine et je mérite d'être dans cette pièce. J'ai toujours su que ce serait difficile pour moi, parce que ça l'était pour les autres. Donc j'arrive avec une solution toute prête.

Mon premier objectif, quand j'entre dans une pièce, est de prouver que ces préjugés sont faux. Je sais de quoi je parle, je connais ce domaine et je mérite d'être dans cette pièce. J'ai toujours su que ce serait difficile pour moi, parce que ça l'était pour les autres. Donc j'arrive avec une solution toute prête.

Jacquelle Amankonah Horton, Fondatrice et CEO de Fave

Votre application, Fave, promet de mettre en contact les superfans entre eux. Quelles observations avez-vous sur le comportement des fans en 2021 ?

Selon moi, le degré de puissance de ces fans passe complètement inaperçu. Nous savons qu'il y a beaucoup de passion chez les superfans : ils vont aux spectacles et sont les plus grands défenseurs et supporters des artistes, mais je ne pense pas que nous saisissions l'étendue de l'action de ces fans de nos jours. Ils se mobilisent et prennent leurs responsabilités pour promouvoir la carrière des artistes, d'une façon que même l'artiste ne fait pas toujours. Ils disent : « Bon, les fans, c'est à nous de propulser cette chanson à la première place, on doit l'écouter et la lire en streaming ». Ce n'est pas une activité de détente, consistant à écouter calmement et à croiser les doigts. Ils prennent leur travail vraiment à cœur.

Ils organisent aussi des événements pour fêter l'anniversaire d'un artiste, ou autre, et y consacrent du temps en dehors de leurs cours ou de leur emploi, sans être payés un seul centime. Ils organisent tout, y compris la restauration et l'achat de cadeaux pour tous les participants. Sinon, ils rassemblent tout le monde et organisent une levée de fonds, pour un organisme caritatif ou pour une cause dans laquelle croit leur artiste préféré, ou pour permettre à d'autres fans d'acheter des marchandises ou le dernier album qui vient de sortir. Aujourd'hui, nous voyons des fans bien plus déterminés.

Y a-t-il quelque chose que les musiciens et sociétés de musique pourraient faire, selon vous, pour mieux tirer parti de ces comportements ?

Premièrement, ils peuvent travailler avec Fave, parce que nous essayons d'intégrer les activités des fans de façon à concrétiser ce genre d'événements. Formez vos communautés ici, rencontrez-y les gens, tissez des liens, ralliez-vous dans un espace partagé avec un accueil dédié pour ces actions, sur mesure selon ces objectifs et ces besoins. En effet, Twitter ou Instagram ne permettent pas de se retrouver.

L'autre chose que nous en tirons, ce sont les données sur les fans, que les équipes et labels des artistes peuvent exploiter pour mieux comprendre ce que font ces fans. Plusieurs types d'événements différents se produisent sur notre plateforme : les gens peuvent créer du contenu, acheter et vendre des marchandises créées par les fans, participer à des sessions d'écoute, etc. On peut apprendre de nombreuses choses différentes sur un fan et définir le niveau de puissance de ce fan en particulier.

C'est drôle quand les gens disent qu'il "n'y a pas assez de diversité dans le vivier de talents" et se contentent de recruter parmi leurs connaissances et les personnes qui viennent à eux. Mais il s'agit simplement de faire preuve d'un peu plus d'intention quant à l'endroit où vous recrutez les gens.

Jacquelle Amankonah Horton, Fondatrice et CEO de Fave

Comme vous le savez, les secteurs de la musique et des technologies manquent généralement de diversité. Quels changements aimeriez-vous voir, qui pourraient rendre ces deux secteurs plus diversifiés et inclusifs ?

Il faut commencer par se débarrasser de cette excuse : « Il n'y a pas assez de diversité dans le vivier de talents ». C'est drôle quand les gens disent cela et se contentent de recruter parmi leurs connaissances et les personnes qui viennent à eux. Mais il s'agit simplement de faire preuve d'un peu plus d'intention quant à l'endroit où vous recrutez les gens ,et donc d’aller dans des espaces où l'innovation se produit dans des communautés variées, puis veiller à ce que ces endroits aient accès à des opportunités.

Je pense à la Silicon Valley, qui se contente d'embaucher des diplômés de l'université de Stanford et de les transformer en directeurs, alors qu'on pourrait se pencher sur d'autres types d'écoles et de quartiers pour élargir l'entonnoir. On ferait ainsi entrer des gens tout autant qualifiés, innovants et intelligents que les personnes qui ont grandi à côté de Google ou Facebook.

Dernière question : avez-vous des conseils à donner à quelqu'un qui souhaite percer dans le secteur de la musique et de la technologie ?

On en revient à ce que je disais tout à l'heure, sur le fait de savoir ce dont vous aurez besoin pour vous faire entendre dans certaines pièces et certaines conversations, et sur le fait de se préparer à l'avance au lieu de réagir et de risquer de se faire mettre sur la touche parce que les choses ne se déroulent pas comme vous le souhaitez. Si vous voulez mettre en avant une certaine idée ou un certain concept, vous devez le noter et être prêt à le présenter à tout moment. Ainsi, lorsque l'occasion se présentera, vous serez prêt.

Si vous ne savez pas encore ce que c'est, allez dans ces espaces, apprenez et absorbez tout ce que vous entendez. Il m'a fallu endosser tant de rôles différents pour déterminer ce que j'aimais faire. Immergez-vous dans le milieu et testez de nombreuses choses différentes pour pouvoir échouer rapidement, comprendre vite ce que vous n'aimez pas, l'accepter et être reconnaissant d'avoir compris cela.